DU FOND DES ESPELUQUES

DU FOND DES ESPELUQUES

Bienvenue sur ce blog consacré à Dions, village gardois de caractère


Le Loup et le Renard (conte de Noël dionsois)

Publié par Espéluques sur 24 Décembre 2016, 15:22pm

 

Il était une fois … au début des années 1800, le dernier loup dionsois, un animal vieillissant et aux dents émoussées, ainsi qu’un beau mais rusé renard du même lieu, tous deux fort désireux de s’enrichir, qui décidèrent de s’associer pour acheter au sieur Rouvière sa métairie des Buissières. Faut dire que notre loup à nous, si soucieux de s’allier à un goupil, était, au rebours de ses congénères, particulièrement gentil, et même, disons-le tout net, un peu naïf.

- « Loup, dit le Renard, avant que de commencer à travailler, il importe de nous mettre d’accord sur le partage des récoltes. Je propose que l’un de nous deux prenne ce qui poussera au-dessus de la terre, l’autre ce qui sera au-dessous. Choisis. »

- « C’est bon Renard, je prends ce qui est au-dessus. »

Notre ami le renard, malin comme tous ceux de sa race, s’empresse de planter dans leurs terres du Plan et des Canebières, aulx, cèbes et autres pommes de terre. Si bien que la récolte venue, le renard eut toutes les têtes et tubercules et le loup n’hérita que des tiges. La pauvre bestiole, déjà pas bien escarabiée, passa un fort mauvais hiver. Le printemps venu, le loup tâcha de tirer profit de son erreur passée.

- « Renard, je me suis trompé l’année dernière, dit le Loup, je n’ai eu que des rougnes. Alors pour cette année je choisis ce qui sera sous la terre. »

Le renard acquiesce et sème toutes leurs terres du Bruel et du Devois, de blé, méteil, orge et seigle. L’été venu, il accapare grains et paille tandis que notre loup se contente de racines.

Le loup comprend qu’il s’est fait berner et se promet de punir le fripon à la première occasion. Mais le jésuite n’est point dupe des pensées du loup, et se tint sur ses gardes en attendant de pouvoir se débarrasser définitivement de son associé.

Le temps de Noël venu, le loup décide de se venger et s’en va voir le renard.

- « Renard, je n’ai eu que des racines à manger cette année et ma soupe est des plus mauvaises. Je prendrai bien une assiette de la tienne. »

- « Mais mon ami Loup c’est avec grand plaisir. »

 

Et notre renard sert au loup une belle écuelle de bonne soupe de légumes et pour lui se contente d’une aïgo-boulido. Nos deux compères vont ensuite se promener dans le village, et à l’initiative de notre Ysengrin, conviennent d’aller à l’église prononcer quelque prière pour célébrer l’arrivée prochaine du petit Jésus. Il faut dire qu’alors l’église de Dions, construite quelques centaines d’années plus tôt, était en très mauvais état et sa porte d’entrée trouée. Nos compagnons entrèrent donc prier Dieu.

- « Renard, dit le Loup, à présent que nous sommes entrés et que j’ai verrouillé la porte, il faut que je te mange. »

- « Imbécile, je suis maigre et ma chair pas très appétissante. Tu ferais un bien mauvais repas de Noël. Mange plutôt cette belle miche de quinze livres de pain blanc que la Philomène est venue poser sur la marche de l’autel pour le réveillon de monsieur le curé.

- « Tu as raison, Renard. »

Et le loup se jette sur la miche de pain qu’il déchire à pleines dents. Pendant ce temps le renard s’enfuit par le trou de la porte.

Quand le loup voulut passer lui aussi à travers l’huis abîmé, il ne put y arriver.

- « Au secours, Renard, le trou a rapetissé. »

- « Mais non grand fada, c’est ton ventre qui a enflé. Essaie de sortir en grimpant à la corde de la cloche. »

Le loup se pendit donc à la corde et … sonna la volée. Ce qui ameuta tous les habitants de la paroisse, alors rassemblés dans leurs logis pour frire les oreillettes et préparer le gros souper. Apercevant le loup dans l’église, ils se munissent de fourches et de bâtons pour lui infliger une mémorable raclée. L’animal faillit y laisser sa peau mais réussit à s’échapper tout sanguinolent tandis que le renard riait aux éclats.

- « Vois-tu Renard, les gens d’ici sont de bien mauvais chrétiens. Regarde dans quel état ils m’ont mis, devant l’autel du Bon Dieu et alors que la Vierge Marie se prépare à nous offrir le Sauveur. Je n’en puis plus. Que ne donnerai-je pour un peu d’eau pour laver mes plaies et étancher la soif que m’a donnée ce maudit pain. »

- « Tu as raison, Loup. Voilà de bien méchantes gens et bien piètre charité. Allons au Puits Neuf, saute dans l’eau, panse tes coups et blessures, lave ta fourrure et bois à satiété. Je t’aiderai à remonter. »

 

Le loup saute donc dans le puits, nettoie ses coupures, lape la bonne eau jusqu’à plus soif.

- « Renard, tu peux me remonter maintenant ! »

- « Mais Loup n’y pense point. Tu es vraiment trop bête. Tu es dans le puits. Tu y restes ! »

 

C’est ainsi que par une froide journée de Noël disparut le dernier loup dionsois. Et c’est aussi pourquoi, le soir du réveillon, on ouït encore au bas du chemin du Puits Neuf, comme des grognements étouffés. C’est notre trop gentil loup qui hurle à la mort et maudit tous les dionsois, renards et hommes. Les dionsois de 1800 bien sûr, aujourd’hui qui songerait à maltraiter un si brave animal. Enfin à part peut-être … mais pas le jour de Noël … quoique !

 

 
 
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives