DU FOND DES ESPELUQUES

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L'étrange éloge posthume à Julie Audemard

Publié par Espéluques sur 23 Décembre 2013, 09:31am

Catégories : #Dions éloge posthume Audemard

Julie Audemard est née à Dions en 1842. Elle est la fille d’Antoine et de Françoise Rouvière. Elle a épousé Auguste Vieljeuf, un forgeron originaire du hameau de Grisac au Pont de Montvert, qui lui a donné 3 enfants : Auguste, Léa qui épousera à Dions Léon Chabert, et Léonce époux d'Emilie Courdesse de Caveirac.

Julie est morte de la tuberculose en 1876 à l’âge de 34 ans. Elle s'était convertie au protestantisme et était profondément croyante. Mais qui a réalisé cet éloge posthume, pourquoi ce véritable panégyrique, et comment ce document s’est-il retrouvé à la Bibliothèque Nationale de France ?

MORT de VlELJEUF Née J. AUDEMARD, décédée à Dions le 26 juin 1876

NIMES IMPRIMERIE ROGER ET LAPORTE

Place Saint-Paul, 5

Quelle saisissante occasion de répéter avec prophète: « Mes pensées ne sont pas vos pensées, mes voies ne sont pas vos voies, dit l'Eternel » (Es. 55: 8.) Tout paraissait réclamer, exiger la présence ici-bas de celle qui nous a quittés ; cet époux, ces trois chers enfants, si jeunes encore, cette mère âgée, tous auraient eu tant besoin de ses soins maternels. Mai si le Seigneur en avait décidé autrement ; elle a été ravie à la fleur de son âge à l'affection de tous ceux qui l'ont connue. Notre bien-aimée soeur était à peine âgée de 34 ans, lorsqu'une maladie grave qui devait la conduire au tombeau se déclara. Il semblait qu'elle n'avait que quelques jours à vivre. A cette époque elle n'avait pas reçu cette foi qui devait lui faire plus tard envisager la mort comme la messagère de bonnes nouvelles.

Cependant elle avait conduit plusieurs fois ses enfants à une petite école du dimanche où des amis chrétiens font la lecture de la Parole de Dieu, et les explications qu'elle avait entendues germèrent dans son cœur, de telle sorte qu'au lieu de s'épouvanter, elle comprit que le Seigneur lui envoyait cet appel pour se convertir. Alors elle pria avec force, demandant au Seigneur de venir à son aide, et de lui faire connaître sa volonté.

En effet, depuis ce moment, sa vie fut changée ; elle devint, par la grâce de Dieu, une nouvelle créature, et elle n'a cessé un seul instant de bénir le Seigneur de l'avoir fait passer des ténèbres à sa merveilleuse lumière. Elle se remit un peu de cette maladie qui la laissa toujours faible, pouvant à peine se soutenir ; pendant trois années de souffrances, elle a nourri son âme de la lecture de la Parole de Dieu; toujours patiente, résignée, le sourire sur les lèvres, jamais une plainte, elle se trouvait bienheureuse d'être entrée dans le chemin nouveau qui mène à la vie.

Ah ! disait-elle à une amie qui s'entretenait avec elle de l'espérance de l'Evangile, si mes parents savaient la joie que j'éprouve depuis que je me suis donnée à Jésus ! Mais ils ne me comprennent pas. Oh ! je crois que ma mort leur sera utile pour leur conversion ; ce n'est que pour eux que j'ai des moments d'inquiétude ; je voudrais que tous connussent le Sauveur ; je ne cesse de le prier de les attirer à lui.

Elle put, en Février 1875, assister aux réunions de consécration et de réveil qui eurent lieu à Nîmes. Elle était tellement préparée à recevoir la divine semence qu'elle reçut de nombreuses grâces. Dès lors l'Evangile devint pour elle un flambeau qui inondait son cœur de paix. Combien je bénis le Seigneur, disait-elle, d'avoir pu assister à ces réunions ; j'ai beaucoup reçu, mais je ne m'en glorifie pas; je ne me glorifie en autre chose qu'en la croix de notre Seigneur Jésus-Christ.

Cependant sa fin approchait à grands pas. Elle eut une crise que ses parents et ses amis crurent la dernière. Non, dit-elle, en ouvrant les yeux; j'ai encore une grâce à demander à Dieu et je sais qu'il me l'accordera. Je désire revoir mes chères sœurs pour les prier de se donner au Sauveur ; je veux donner ma bénédiction à mes enfants; que le Seigneur vous bénisse mes enfants, dit-elle, je vous remets aux soins de votre Père céleste, il prendra soin de vous. Rappelez-vous, mes enfants, qu'il est le père des orphelins ; priez-le, aimez-le et il vous bénira; et toi, bonne mère, donne-toi à Celui qui a fait ma paix et qui nous dit en quittant cette terre : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix, je ne vous la donne pas comme le monde la donne, ne vous troublez point et ne craignez point. » Elle parla à son mari, et à ses nombreuses amies rassemblées dans la chambre; elle les pressa tous de se convertir: Allez à ce bon Sauveur et ne tardez pas, lui qui nous a tant aimés, qui s'est donné pour nous; regardez comment nos péchés l'ont fait souffrir à Gethsémani et sur la croix. Ne me laissez pas dormir, disait-elle, car le Seigneur me dit de veiller et de prier.

Ses amies lui disaient : Que tu es heureuse ! Être si malade et si résignée.

Je trouve que tout va bien, puisque c'est la volonté de Dieu ; mais, je vous en prie, donnez-vous à lui ; demandez-lui son secours et il vous l'accordera. Elle eut une parole d'avertissement pour tous ceux qui l'entouraient. Le Seigneur lui accorda sa demande ; elle eut la joie de revoir ses deux sœurs et de leur faire sa dernière recommandation : « Oh ! Mes chers et bien aimés parents, combien je voudrais que vous fussiez tous, dans ces demeures que le Seigneur est allé nous préparer. Toi, disait-elle à sa plus jeune sœur, qui as tant l'occasion d'entendre parler du Sauveur à ton village, promets-moi d'aller écouter ces fidèles serviteurs de Christ, fais-le, promets-moi que tu le feras et tu verras que tu seras heureuse. Elle disait souvent : « Il n'y a maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ, » et répétait ce beau verset du Cantique : Sur toi je me repose, 0 Jésus mon Sauveur, Que faut-il autre chose Pour un pauvre pécheur ? Conduit par ta lumière, Gardé par ton amour, Vers la maison du Père Marchant de jour en jour. Il semblait que tous les liens de la terre étaient rompus.

Mais le Seigneur voulut encore éprouver sa foi jusqu'au bout. Elle qui ne vivait que des belles promesses de l'Evangile et de la paix céleste, tout à coup cette paix lui sembla voilée: la lutte vint, les promesses de l'Evangile ne se faisaient plus entendre à son cœur. Alors au lieu de se décourager, elle se mit à prier jour et nuit avec une nouvelle ardeur. Seigneur! disait-elle, s'il faut lutter, je lutterai encore, jusqu'à mon dernier soupir, j'insisterai, je ne te laisserai pas que tu ne m'aies dit : Ma fille, va-t-en en paix, tes péchés te sont pardonnés, et je sais que tu me le diras. Oh! Seigneur rends moi cette paix qui faisait mon bonheur, et elle répétait ce verset du Psaume XXV: Oh ! Dieu, montre moi la voie Qui seule conduit à toi. Fais que je marche avec joie Dans les sentiers de ta loi. Fais que je suive toujours De ta vérité la route, Toi qui de ton prompt secours Veux que jamais je ne doute.

« Priez avec moi, disait-elle à son amie et à sa sœur, afin que le Seigneur augmente ma foi. » Et, en effet, quand son amie vint de nouveau : « Je peux me dire que j'ai trouvé la voie qui conduit au repos du cœur. Oui, tout est fait, je suis en paix. Satan voulait me faire regarder trop à moi-même, quand je n'aurais dû regarder qu'à la croix du Sauveur. Ce n'est pas dans nos œuvres que nous sommes sauvés, c'est par le précieux sang de Christ. Maintenant le voile n'est plus obscur, je veux contempler la sainte Jérusalem. Lis-moi ce chapitre où il en est parlé. Par la foi, je veux me transporter dans cette nouvelle patrie, où toute larme sera essuyée. » Dès ce moment la paix ne la quitta plus. Elle avait combattu le bon combat de la foi ; elle n'avait qu'à recevoir la couronne de gloire. Elle disait souvent : « Il me faut tenir ferme afin que nul ne me ravisse ma couronne. ».

Sa sœur ainée lui dit: « Ma sœur, en te voyant rayonnante de joie, on ne dirait pas que tu vas nous quitter. Pourtant, tu serais tant utile à tes enfants et nous voudrions bien te voir un peu plus avec nous. ».

« Arrière de moi toutes ces pensées; retire-toi de moi, Satan, » fit-elle avec un geste qui montrait combien sa foi avait du prix pour elle, « ne viens pas me ravir ce que j'ai de bon. »

Tous ses parents et amis étaient étonnés de sa sérénité. « Nous voudrions être comme toi, » lui disait-on.

« Regardez à Jésus, confiez-vous en Lui, Il vous donnera la force de voir venir la mort comme une messagère de bonnes nouvelles. »

Le jour de la Pentecôte, elle dit à sa sœur ainée : Sais-tu quel jour il est aujourd'hui ? ».

« La Pentecôte, » lui dit-elle.

« Ah ! Tant mieux, que tu y penses. Puisque le Seigneur ne veut pas que je la passe avec Lui dans le ciel, je la passerai avec vous, mais en prière. Que personne ne vienne me troubler, car j'ai besoin que le Seigneur vienne par son Esprit faire une nouvelle Pentecôte pour moi. Si ma mort, disait-elle, pouvait réveiller des âmes, comme je donnerais ma vie volontiers ! »

Puissent les vœux qu'elle a faits se réaliser, et puisse sa mort être pour tous ceux qui liront ces lignes, un avertissement, afin que quand ce jour solennel arrivera, ils puissent dire comme elle : « Seigneur Jésus ! Viens bientôt ! »

Après un moment d'horribles souffrances, où elle toussait horriblement, sa sœur lui dit : « Que tu dois être fatiguée ! ».

« Oh ! Non, j'allais te dire que je ne l'avais pas senti. En toussant, j'ai appris le beau cantique de l'Agneau.

« Mais tu le savais. ».

« Oh non, je l'avais seulement lu, mais dans ce moment je l'ai appris, et elle se mit à le réciter avec une joie profonde : « L'Agneau qui a été immolé est digne de recevoir la puissance, les richesses, la sagesse, la force, l'honneur, la gloire et la louange. Gloire à l'Agneau !

Gloire soit à l'Agneau! ». J'ai, dit-elle, un pressentiment que peut-être au moment du départ je ne pourrai pas parler; ma mère, dit-elle, ne pleure pas en ce moment, ne me troublez pas, laissez-moi dans ma tranquillité; et toi, dit-elle à une amie, j'ai un message pour toi. Je veux dire au moment où mon esprit quittera mon corps : « Seigneur Jésus, reçois mon esprit; si donc je ne peux pas le dire, tu le diras pour moi.

J'irai bientôt dans la bergerie, lisez-moi le chapitre où il est parlé de Jésus le bon Berger. Ah ! Les brebis entendent ma voix et je les connais. Oh ! Que c'est beau, quelle douce parole! Je serai du nombre de ses brebis que nul ne peut ravir de sa main. » Ainsi s’est endormie cette fidèle servante du Seigneur en laissant à ceux qui la pleurent, la belle consolation de la savoir bienheureuse dans le sein de Celui qui nous a tant aimés. Son souvenir ne s'effacera jamais de la mémoire de tous ceux qui l’ont connue. Ah ! Puissions-nous faire comme elle, choisir la bonne part qui ne nous sera point ôtée !

http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb36506361j

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