Un loup, qui commençait d’avoir petite faim
Pour les moutons de son voisinage,
Eut l’idée de s’aider de la peau du républicain,
Et faire un nouveau personnage.
Il s’habille des habits du social-démocrate,
Enrobe son discours des promesses adéquates,
Et de mensonges abuse
Pour pousser jusqu'au bout la ruse.
Il aurait volontiers écrit sur son chapeau :
« C’est moi Marine, la bergère de ce troupeau. »
Sa personne étant ainsi faite,
Il s’approche doucement des moutons étendus sur l’herbette.
Les pâtres, dans leurs rêves roses, bleus ou verts,
Naïfs comme il appert,
Dormaient alors profondément.
Quelques brebis, du loup, comprirent le jeu.
Mais les moutons, lassés de se faire tondre la laine,
Préférèrent fermer les yeux.
Après tout, se disaient-ils, ce loup est fort policé,
Et la suffisance de nos bergers trop ostentatoire.
Nos moutons ne connaissaient pas leur Histoire,
Et leurs pasteurs, repus, avaient tout oublié.
Le loup, hypocrite, les laissa faire.
Le jour venu, du troupeau endormi,
Des moutons aveugles et suicidaires,
Il croqua la majeure partie.
Moralité :
Une voix traîtresse vous appelle,
Ne vous pressez nullement.
Oubliez vos querelles,
N’ajoutez pas à vos tourments.
A trop vouloir punir les bergers,
A trop croire aux mirages,
A trop écouter les persiflages,
A la fin par le loup serez mangés.
Comme Jean de la Fontaine
Jacky Sérody